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Et s’il fallait se tromper pour mieux apprendre ?

5 février 2018  -   4 minutes

Nawal Abboub

Nawal est co-fondatrice et Directrice Scientifique de Rising Up. Elle est docteure en sciences cognitives (Université Paris Sorbonne Cité) et intervient en tant qu'enseignante à l'Ecole Normale supérieure.

« Qu’est ce que je suis bête d’avoir fait cette erreur» ou encore « Je n’ai pas pu répondre, je n’étais pas assez sure de moi! ». Qui n’a pas déjà prononcé une de ces phrases ?

Nous faisons tous des erreurs, que ce soit dans notre travail, en classe ou encore dans notre milieu familial. Parfois, voire même trop souvent, nous hésitons même à tenter notre chance, terrorisés à l’idée que cela nous fasse passer pour une personne peu crédible, stupide ou encore manquant de connaissances. Nous pouvons être à ces moments là les pires juges de nous-mêmes. Et nous confondons bien trop souvent erreur et incompétence !

Rappelons-nous la célèbre citation de Nelson Mandela : « Je ne perds jamais, soit je gagne, soit j’apprends ». Faire des erreurs est LA preuve que nous sommes en train d’apprendre. D’ailleurs si nous mettons tout en œuvre pour bien l’exploiter, elle est une source d’information cruciale dans nos processus d’apprentissage. Elle nous permet de savoir ce que nous ne savons pas (encore), de comprendre si nous confondons des concepts ou encore des notions proches ou si nous ne sommes pas allés trop vite dans l’interprétation d’une situation complexe.

Pourquoi cette notion d’erreur est indissociable de tout mécanisme d’apprentissage ? Que nous disent les sciences cognitives à propos de cela ?

Lorsque nous devons répondre à une question, ou que nous devons nous déplacer d’un endroit à un autre, nous formulons dans notre esprit un certain nombre d’hypothèses ou possibilités qui vont nous permettre de trouver la bonne réponse ou solution. En d’autres termes nous anticipons les conséquences de nos actions avant même de les avoir vécues !

En effet, des recherches ont suggéré que notre cerveau formule en permanence des hypothèses, aussi appelées « prédictions », à partir des informations que nous captons dans notre environnement (1, 2). Notre cerveau les prédit alors en fonction de ce que nous avons déjà vécu, appris ou observé. Ces mécanismes nous permettent de mieux nous adapter à notre environnement en nous préparant à agir au mieux. Ces processus sont complètement automatiques et opèrent souvent sans même que nous en prenions conscience.

Mais notre cerveau ne se contente pas seulement de formuler des prédictions sur le monde extérieur. Il vérifie également en permanence leur validité! En effet notre cerveau est constitué de systèmes détectant les erreurs, ce qui nous permet d’ajuster continuellement nos modèles de prédictions en fonction de la différence entre ce que nous avions prédit et la réalité.

Quand on a eu un mauvais geste (quand on tourne à droite au lieu d’aller à gauche) ou que nous répondons à coté de la question (comme lors d’un entretien) un premier signal d’erreur apparait très rapidement. Ce signal spécifique appelé « erreur de prédiction » est généré (en moins de 80ms dans certains cas) par ces systèmes de détections qui sembleraient être situés dans le cortex frontal (3). Ce signal permet d’indiquer qu’il y a un problème et qu’il faut déclencher une autre stratégie !

Mais cette étape, qui est fondamentale, n’est pas suffisante pour ajuster nos modèles de prédictions internes et pour nous permettre d’apprendre un geste ou une notion correctement. Pour cela, nous avons besoin d’un feedback précis !

C’est le feedback reçu avec une correction explicite (l’indication de la bonne direction à prendre), qui active une cascade de réaction dans notre cerveau pour ajuster nos prédictions et déclencher une nouvelle action, cette fois-ci adapté au contexte !

Nous ajustons ainsi nos modèles internes grâce à nos erreurs et à la qualité du feedback, ce qui nous permet d’apprendre de nouvelles connaissances, de les ajuster ou de les connecter entre elles.

Utilisons ces données issues des sciences cognitives pour ne plus redouter l’erreur et la remettre au centre de nos processus d’apprentissage. Si nous ne prenons pas le risque de faire des erreurs, nous bloquons en quelque sorte nos processus d’apprentissage! L’erreur est donc une étape fondamentale. Elle est d’ailleurs un indicateur précieux de la qualité de nos apprentissages : apprenons donc à les identifier et les analyser avec rigueur et précision. Soyons enfin des observateurs attentifs de nous-mêmes, pour ne plus confondre erreur et incompétence. Ainsi nous progresserons plus vite et plus sereinement !

Références

  1. Mumford, D. (1992). On the computational architecture of the neocortex — II The role of cortico-cortical loops. Biological Cybernetics, 66(3), 241–251. http://doi.org/10.1007/BF00198477
  2. Rao, R. P. N., & Ballard, D. H. (1999). Predictive coding in the visual cortex: A functional interpretation of some extra-classical receptive-field effects. Nature Neuroscience, 2(1), 79–87. http://doi.org/10.1038/4580
  3. Holroyd, C. B., & Coles, M. G. H. (2002). The neural basis of human error processing: Reinforcement learning, dopamine, and the error-related negativity. Psychological Review, 109(4), 679–709. http://doi.org/10.1037/0033-295X.109.4.679

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