Quand on parle d’intelligence, nous la lions systématiquement à nos capacités de raisonnement, de rationalisation ou encore à notre niveau de culture générale. Mais rarement nous verrons les compétences émotionnelles citées. D’ailleurs, lorsque nous faisons référence à des personnes qui ont brillé et qui brille encore par leur intelligence, nous pensons tout de suite à des individus aux capacités exceptionnelles de réflexion et de logique, à des figures comme Albert Einstein, Marie Curie, ou encore Steve Jobs. Pourquoi avons-nous cette tendance à restreindre la définition de l’intelligence, et à en exclure les capacités de perception et de gestion des émotions ?
1. Les émotions au cœur même de l’intelligence
Et si nous étions dans l’erreur d’omettre nos compétences émotionnelles dans la définition de l’intelligence ?
Dans notre article précédent, nous avons décrypté comment l’émotion était l’essence même d’un système intelligent. Oui, nos ressentis émotionnels sont des informations cruciales. Non, elles sont loin d’être inutiles ! Notre cerveau est naturellement construit pour intégrer les émotions lorsque nous faisons des choix ou raisonnons mais également lorsque quand nous interagissons avec les autres. Bien loin d’être exclues ou mise en opposition avec nos capacités intellectuelles, les émotions sont au cœur de notre intelligence et nous les utilisons au quotidien !
Tous les jours, nous utilisons les signaux émotionnels pour nous permettre de décoder les intentions de notre entourage personnel ou professionnel afin de nous adapter. En effet, savoir distinguer rapidement et précisément le type de sourire ou de regard de nos interlocuteurs constitue un avantage crucial dans notre vie courante ! Par exemple, un visage souriant va plus nous attirer en nous donnant envie d’interagir plutôt qu’un visage neutre1. Ou encore, une personne qui nous regarde dans les yeux, nous inspire plus confiance que celui avec un regard fuyant 2. Tous ces signaux sont analysés finement par notre cerveau qui nous permettent de mieux nous adapter pour mieux agir. Et souvent ces mécanismes se passent tellement rapidement, que nous n’en prenons même pas conscience !
Et si savoir identifier, analyser et réguler nos émotions et celles d’autrui était justement une preuve « d’intelligence » ? Et Si c’était une compétence à considérer avec autant de poids que cette intelligence « rationnelle »?
2. Les compétences de l’intelligence émotionnelle
Quelle définition de l’intelligence Émotionnelle en sciences cognitives ?
Depuis une vingtaine d’années, les chercheurs en sciences cognitives s’intéressent de plus près à notre capacité de détection et compréhension de nos émotions et de celles d’autrui. Cette capacité est même évaluée comme une intelligence : l’intelligence émotionnelle.
Peter Salovey et John Mayer, chercheurs fondateurs de la recherche sur l’intelligence émotionnelle, la définissent1 comme la « capacité à surveiller ses propres sentiments et ceux des autres, à les discriminer et à utiliser cette information pour guider sa réflexion et ses actions ». Ils y voient 4 volets de compétences : la capacité à percevoir les émotions, la capacité à utiliser les émotions pour faciliter le raisonnement, la capacité à comprendre le langage des émotions et enfin la capacité à gérer les émotions.
Selon cette définition, les compétences émotionnelles sont donc au cœur non seulement de nos prises de décisions mais également de nos interactions sociales. Plus ces compétences seront développées, plus nous seront capables de trouver comment adapter nos attentes ou nos comportements avec les autres mais aussi de faire des choix plus judicieux !
3. Cerveau et intelligence émotionnelle
Quels réseaux neuronaux sous-tendent ces compétences ? A-t-on un ou deux systèmes ?
En neurosciences cognitives, nous commençons tout juste à découvrir les réseaux qui sous-tendent ces compétences ! Le traitement de nos émotions implique un large réseau cérébral, avec une architecture complexe incluant les zones frontales et pariéto-temporales du cortex ainsi que des structures plus profondes comme l’amygdale et l’insula. D’ailleurs, le traitement de nos émotions et celles des autres ne sont pas deux circuits séparés bien au contraire !
Une récente recherche a montré que l’insula, zone impliquée dans le traitement de nos propres émotions, est aussi impliquée dans l’analyse des émotions des autres 2. Les résultats de cette étude semblent indiquer que l’insula réagirait « en miroir » aux émotions des autres, ce qui veut dire que nous comprenons l’état des autres en le « simulant » en quelque sorte dans notre cerveau.
Ainsi, l’analyse des émotions d’autrui fait appel aux mêmes structures que nous utilisons pour traiter nos propres émotions. Notre cerveau est donc aussi câblé pour analyser et comprendre les émotions des autres, de sorte à ce que cette information influence nos décisions, perceptions, motivations, et actions. Ces mécanismes se passent souvent sans que nous en prenions conscience et sont très rapides.
Mais si le ressenti de nos émotions et de celles des autres est fondamental dans nos prises de décisions, leur régulation l’est tout autant. Nous avons également des mécanismes qui viennent réguler ces perceptions émotionnelles3. La régulation des émotions dépend crucialement de nos fonctions exécutives (mémoire de travail, inhibition, planification et le contrôle de l’attention) et repose sur des fines connexions au sein du cortex frontal ainsi que les structures plus profondes comme l’amygdale 4.
4. Le développement de l’intelligence émotionnelle ?
Comment se développe notre intelligence émotionnelle ?
Cet apprentissage est très complexe, et demande du temps pour s’installer. Ce phénomène est expliqué non seulement par des facteurs génétiques mais également par notre environnement. En effet, ces compétences dépendent grandement des fonctions exécutives s’organisant au sein du cortex préfrontal, et cette zone est une de ce celle qui mature le plus tardivement dans notre cerveau 5. Mais aussi de notre contexte éducatif, social et culturel. Cette question de l’héritabilité (l’influence des gènes) sur nos compétences ainsi que son interaction avec l’environnement passionne encore les scientifiques et nous commençons tout juste à avoir quelques clefs de lecture.
Mais ce dont nous sommes certains c’est que notre cerveau social est bien « plastique » ! Comme n’importe laquelle de nos fonctions cognitives. Avec des entrainements spécifiques, nous pouvons apprendre à mieux décoder nos émotions mais également celles des autres ! En effet, de nombreux programmes ont largement démontré les bénéfices immédiats de ces entrainements spécifiques. Certains programmes comprenaient en moyenne une vingtaine de sessions de 30 à 45 mn pouvait avoir un impact positif allant de 6 mois à une vingtaine d’année 6! Les impacts positifs ont été mesurés et montrent de nombreux bénéfices à long terme, notamment sur la confiance en soi, la productivité au travail ou encore la réduction de symptômes dépressifs et de troubles anxieux.
Les recherches en sciences cognitives suggèrent ainsi que l’intelligence regroupe un spectre très large de compétences, et les compétences émotionnelles en font complètement partie. Remettons au cœur de notre intelligence les émotions et définissons enfin ces concepts. Ne les mettons pas de côté, bien au contraire, apprenons à mieux les identifier pour soi-même et pour les autres afin d’avoir une lecture plus fine du monde qui nous entoure. Dans un contexte actuel où la collaboration et la communication sont des compétences clefs, que ce soit à l’école, au travail, ou dans notre vie de tous les jours, comprendre l’autre est une nécessité et plus une option !
Key points et recommandations :
1. L’émotion est une faculté d’un système intelligent, elle nous permet de mieux interagir avec le monde extérieur.
2. Les compétences émotionnelles correspondent à la façon dont nous identifions, comprenons, exprimons, écoutons, régulons et utilisons nos émotions ainsi que celle des autres.
3. Il est possible d’améliorer chacune de ces aptitudes pour avoir des interactions sociales riches et de qualité afin d’avoir, entre autres, une meilleure santé physique et mentale.
4. Mettre les bons mots sur ce que nous ressentons, déterminer ce qui nous a mis dans tel ou tel état, exprimer posément ses émotions, accepter et apprécier ce que l’on éprouve et ce que l’on vit… sont des stratégies que chacun peut mettre en œuvre et améliorer au cours du temps !
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